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LE BLOG DE CYEK

Pont sur le Wouri : Interrogation sur la sécurité

29 Juillet 2010, 11:47am

Publié par Le Jour (avec une réécriture de CYEK)

La catastrophe était attendue

Des rapports des services de sécurité avaient prévenu des risques d’incident.

[...] Hier mardi 27 juillet, le trafic a timidement repris sur le pont du Wouri. Le rythme de passage des véhicules s’est réduit au fil des conversations portant toutes sur les causes éventuelles de l’explosion qui s’est produite autour de 17 heures, avant-hier lundi, au soir. [...] Une source policière a confirmé l’existence de plusieurs rapports alertant les plus hautes autorités de ce que « Douala peut être coupé en deux à tout moment malgré la réfection du pont ».

Hier, Le Jour a appris que l’explosion du conduit d’eau de Camwater est intervenue plusieurs heures après le début des fuites d’eau ; fuites du reste jamais signalées aux services de sécurité, jusqu’à ce que l’incident de 17 heures lundi soir se produise. Il faut préciser qu’il n’y a aucun poste de sécurité sur le pont, en dehors de la présence sporadique de militaires, à l’extrémité de l’édifice, du côté de Bonabéri. En raison, de l’absence d’un dispositif de surveillance et de protection du pont, plus de 40 poteaux électriques en aciers servant de support à l’éclairage de nuit ont été coupés et emportés par des bandits. Tandis qu’au moins trois voitures ont terminé leur course dans les eaux du fleuve Wouri, en l’espace d’un an.

Historique  : Un ouvrage vieux de 55 ans

Construit de 1952 à 1954, le pont sur le Wouri a été renforcé par des travaux de réhabilitation entre 2003 et 2006.

L’inauguration du pont sur le Wouri a lieu le 15 mai 1955, six mois après la fin des travaux de construction de cet ouvrage d’art. Le chantier a été réalisé entre 1952 et 1954 par les entreprises françaises Pie Batignolles, Campénon Bernard et Hersent. Le Cameroun étant à l’époque un territoire sous tutelle de la France, le ministre d’Outre-mer, Pierre Henri Tertgen, a fait le déplacement de Douala pour la cérémonie officielle d’inauguration. Les plaquettes publicitaires confectionnées pour la circonstance parlent de « pont digue le plus long du monde ».

En 1955, le pont sur le Wouri est considéré comme un ouvrage futuriste. Le béton précontraint, utilisé sa construction, est considéré comme une technologie de pointe. « Cette technologie est avantageuse car elle permet de définir au préalable la contrainte que devra supporter l’ouvrage. La contrainte renvoie au poids du pont, l’effet du vent et surtout la masse des poids lourds qui circulent sur la passerelle. Avec le béton précontraint, les aciers utilisés sont tendus et préparés à supporter la future contrainte. Cette technologie reste d’actualité de nos jours », explique Jacques Nkoma, ingénieur des travaux publics en service au département de génie urbain à la Communauté urbaine de Douala.

Au bout de 50 ans, le viaduc a commencé à s’affaiblir. Des études menées au début des années 2000 révèlent deux problèmes importants : l’usure généralisée des fondations et une importante corrosion des câbles de précontrainte longitudinale et transversale. Des travaux de réhabilitation sont lancés en juin 2003 et durent 28 mois, pour un coût global de 13 milliards de F.Cfa.

« Nous avons réalisé plus des trois quarts des travaux en profondeur. On ne livre pas un pont tout neuf, mais cet ouvrage peut encore vivre une vingtaine d'années sans problèmes. Il nécessite une veille permanente et des interventions régulière », avait déclaré M. Hamadi Gabouge, le maître d’œuvre du chantier réalisé par le groupement Udecto/Etic international. Jacques Nkoma de la Cud pense que le pont sur le Wouri peut vivre plus longtemps car, dit-il, « les ouvrages d’art sont perpétuels. Il y en a qui sont millénaires de par le monde. » A son avis, le problème de l’ouvrage aujourd’hui ne se situe guère au plan technique. « L’ouvrage est devenu insuffisant eu égard à l’intensification du trafic intense qui s’y déroule à longueur de journée », conclut-il. Le pont est long de 1.750 m. La partie sur les eaux mesure 650 m. L’pont ouvrage admet une route à deux sens divisées par une voie ferrée.

Travaux publics : On attend le deuxième pont

Les études de faisabilité sont bouclées, mais le financement de 85 milliards de F.Cfa reste indisponible.

Bientôt deux ans que le ministre des Travaux publics, Bernard Messengue Avom, a reçu le rapport d’études de faisabilité relatives à la construction d’une voie de contournement dans la ville de Douala avec franchissement du fleuve Wouri. C’était le 10 décembre 2008 à Yaoundé. Le projet induit de fait un deuxième pont sur le Wouri. Un ouvrage routier et ferroviaire de près de 900 mètres de long, comportant deux voies routières avec séparateur central et bande d’arrêt d’urgence, une voie ferrée et des trottoirs de part et d’autre.

Les études, qui faisaient suite à la signature le 2 mai 2007 d’un marché de gré à gré avec la société Egis Cameroun, prévoyaient une enveloppe de 85 milliards de F.Cfa. Trois modes de financement avaient été proposés. D’abord l’option partenariat où l’ouvrage est entretenu pendant 30 ans par un partenaire privé, le Cameroun devant apporter une partie du financement dans l’immédiat. Ensuite il y a la conception/réalisation où l’Etat doit apporter le total du financement dans l’immédiat, supporter tous les coûts d’exploitation et d’entretien chiffrés à environ 9 milliards de F.Cfa. Enfin, la concession coûte moins cher à l’Etat, mais reviendrait encore plus cher avec le péage qui nécessite d’autres investissements.

Depuis, rien n’a été fait faute de financement indiquent des sources au ministère des Travaux publics. Le budget 2010 du Cameroun a tout juste prévu 600 millions de F.Cfa pour des études complémentaires. Pourtant, en début de cette année, lors de la cérémonie de présentation à Douala du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi du Cameroun (Dsce), le secrétaire général du ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du territoire a annoncé que ce second pont sera construit d’ici 2015. A la Communauté urbaine de Douala (Cud), des sources soutiennent que cette échéance relève du possible. Seulement, l’incertitude vient du fait que le gouvernement a d’autres priorités.

La voie de contournement dans la ville de Douala est prévue pour passer du côté de Bonamoussadi. Elle doit résoudre le problème de la traversée du pont en assurant une meilleure fluidité et une sécurité pour les usagers, les biens et services

Kameni Djouteu : « Le budget 2010 a prévu 9 milliards pour le second pont »

L’ingénieur en génie civil prescrit des précautions à prendre pour éviter d’autres fissures.

Comment expliquez-vous l’incident survenu sur le pont sur le pont sur le Wouri lundi dernier ?
Lorsque les Chinois ont travaillé dans le cadre du nouveau chantier pour fournir 50.000 m3 de débit d’eau à Douala, ils ont suivi le tracé de l’ancien pulse qui alimentait la ville de  Douala. En suivant ce tracé, ils ont creusé et laissé des points faibles par rapport à l’ancien tuyau qui était déjà amorti. Donc, c’est tout à fait normal qu’il y ait fissure. Vu que la pression d’eau est de temps en temps forte. Les risques de fissures étaient prévisibles.
 
Que faut-il faire actuellement pour résoudre cette défaillance technique ?
Il faut basculer très rapidement la  canalisation qui part de Bonabéri pour relier les autres quartiers de la ville de Douala ; c’est-à-dire les pulses qui font venir l’eau du Moungo vers Douala. Si ce travail n’est pas fait, il y aura d’autres fissures qui peuvent conduire à un éboulement du pont. Actuellement, ils sont en train de parer au plus pressé en colmatant les morceaux pour que les usagers puissent passer avant d’entamer les grands travaux. Cependant, il faut que pendant ce colmatage, les techniciens fassent des tests pour vérifier la profondeur de la fissure. Sinon, on aura d’autres explosions et d’autres fissures. Pour l’instant ce n’est pas dangereux mais il faut vite agir. A cet endroit, il y a plusieurs circuits qui passent. Le circuit d’énergie électrique moyenne tension, le circuit d’eau et plus tard on pourra avoir un circuit gaz. Donc, il faut un entretien constant.

Est-ce que les travaux de réfection du pont sur le Wouri ont finalement servi à quelque chose ?
Le pont sur le Wouri n’a pas été reconstruit comme certaines personnes le pensent. On a juste réfectionné le pont. Les travaux de réfection ont été bien réalisés. La surface de roulement a été refaite et agrandie pour rendre la circulation fluide. Des piliers ont été soutenus. Les secousses qui sont perceptibles sur le pont sont tout à fait normales. Le pont sur le Wouri que vous voyez là est une succession de plusieurs morceaux de pont qui ont été reliés.
 
Concernant le second pont sur le Wouri, comment devrait-il être réalisé ?
Ce deuxième pont sera parallèle au pont actuel. Il aura quatre voies. Dans le budget d’investissement public de l’année 2010, on a prévu 9 milliards pour réaliser ce pont, avec éventuellement 600 millions d’étude de faisabilité. Nous sommes un peu surpris que jusqu’à la fin du mois de juillet, on ne voit rien à l’horizon. Pourtant, la réalisation d’un deuxième pont est primordiale avec la démographie galopante que l’on enregistre à Douala. En 1955, le pont sur le Wouri suffisait pour la population du Cameroun. On était 3 millions à cette époque -là et Douala représentait 700.000 habitants. Aujourd’hui, il passe environ 45.000 véhicules par jour dans les deux sens sur le pont sur le Wouri. Pourtant, autrefois, on avait moins de 500 véhicules qui y circulaient. Autrefois, ce pont mesurait 1850 mètres, aujourd’hui avec le rétrécissement de la base Elf, il mesure 676 mètres.

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