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LE BLOG DE CYEK

Universités camerounaises : un gros malaise

13 Octobre 2010, 06:22am

Publié par Cyrille Ekwalla via Mutations

Etudiants.jpgYaoundé I et II : Les rectorats des lamentations : Les grévistes ont choisi le cœur de l’université pour crier leur ras-le-bol.

Hier était officiellement jour de rentrée universitaire au campus de Ngoa-Ekéllé. Le pas alerte, quelques étudiants, pour la plupart nouveaux, déambulaient ainsi dans l’enceinte de la «mère des universités». Affairés à remplir des formalités administratives, d’autres «Bleus» vont apprendre à leurs dépens, dans divers services, qu’ils ne peuvent pas être servis. Les plus infortunés ont buté sur des portes fermées à double tour. C’est que, le personnel administratif de cette institution académique a décidé hier lundi de mettre à exécution son mot d’ordre de grève, dont le préavis a été expédié le 6 octobre dernier au ministre de l’Enseignement supérieur. Service de la scolarité, bibliothèques, service du courrier, centre des œuvres universitaires, service des logements, service de la documentation, dans les facultés, etc., le travail a été suspendu au grand dam des usagers.

Par dizaines, les employés se sont massés devant le rectorat de l’université de Yaoundé I dès 8h du matin. Visages burinés, mines déconfites, de nombreux grévistes, tous âges confondus, ont adopté la station debout pendant que d’autres s’asseyaient sur les bancs publics ou sur des blocs de bétons à l’entrée du bureau du recteur. Un haut-parleur à bout de bras, le président du syndicat national des personnels d’appui des universités d’Etat du Cameroun (Synapauc), Michel Bilong, se lancera dans une harangue particulièrement enflammée : «L’heure est venue de manifester pour le statut spécial qui nous a été promis soit effectivement signé. Le succès de la grève dépend de tout le monde. La dernière fois, certains ont dit que le ministre m’a corrompu. Ce qui n’est pas vrai.

C’est le moment de se mobiliser afin que notre condition change», martèlera-t-il, devant la foule acquiescante.
M.Bilong dira par ailleurs «que des négociations sont ouvertes dans les services du Pm. Mais nous ne fléchirons pas tant que notre statut spécial n’est pas signé. Au niveau du ministère de l’Enseignement supérieur, on nous a opposé un silence méprisant. Demain, nous allons tenir un meeting à l’amphi 300». Toute la journée d’hier, certains grévistes ont fait le pied de grue devant le rectorat où ils n’ont pas aperçu le maître des lieux. D’autres ont simplement regagné leurs domiciles afin de vaquer à d’autres occupations. Les nerfs à fleur de peau, certains manifestants lanceront des ultimatums à leurs camarades : «Malheur à celui qui essayera de travailler. Nous devons faire bloc», scande un agent en colère.

A l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic), établissement de l’Université de Yaoundé II-Soa, les employés ont également répondu aux abonnés absents. La plupart des bureaux sont restés fermés toute la journée d’hier. Les occupants devisaient allègrement sous un pylône situé dans l’enceinte de l’école. Au campus de Soa, le travail a tourné au ralenti dans certains services et était à l’arrêt dans d’autres. Les manifestants ont également ciblé le rectorat pour se faire entendre. Depuis 9 ans, le personnel administratif des universités d’Etat exige l’amélioration de ses conditions de vie et de travail. Rassemblées dans un projet de convention collective, les revendications du Synapauc n’ont jamais abouti.

En effet, le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, a jugé, en mars 2010, que la démarche du syndicat était non réglementaire et opté pour l’élaboration d’un décret portant statut spécial du personnel d’appui des universités d’Etat du Cameroun. Le projet de décret, à en croire le chef de la division de la promotion du dialogue social universitaire au Minesup, le Pr. Ngameni, est «sur la table de la haute hiérarchie». Pour sa part, le syndicat estime que «le dossier [portant statut spécial] est arrivé dans les services du Premier ministre le 14 avril 2010 et est en train de subir le même sort que le premier qui avait été déposé en octobre 2006, malgré les avis favorables des ministères techniques». Les délégués du Synapauc des autres universités d’Etat ont fait le déplacement de la capitale pour prendre les consignes afin de donner plus d’ampleur au mouvement d’humeur.

 

Grogne : Service minimum à l’Université de Douala : Une partie du personnel administratif attendait encore hier le mot d’ordre de leur délégué syndical, parti à Yaoundé pour prendre part à des concertations.

Direction des Affaires académiques et de la Coopération de l’Université de Douala ce lundi 11 octobre 2010. 11h30. Une demi-douzaine de personnels d’appui de ladite université devise sous le porche. Au cœur des échanges, le mot d’ordre de grève que leur centrale syndicale a lancé vendredi dernier. «C’est notre manière à nous de faire grève. Nous assurons le service minimum», indique l’un. Sous anonymat, un autre dénonce le manque de statut spécial pour leur corps et les «salaires de misère qu’ils perçoivent». «Cette fois, nous sommes décidés à aller jusqu’au bout de nos revendications». Mais l’action de ce syndicaliste et de ses camarades semble bien mesurée. Car, en réalité, le communiqué du Syndicat national des personnels d’appui des universités d’Etat du Cameroun prescrivait exactement ceci: «nous t’invitons à adhérer à ce mouvement de protestation à partir de ce 11 octobre 2010 avec pour consigne de grève: pas de travail – regroupement devant les rectorats – déclarations aux médias».

De plus, cette demi-douzaine de personnels d’appui semble bien seule. Devant le rectorat, nul regroupement n’est perceptible. Partout dans les services, sur ce campus I de l’Université de Douala, leurs collègues ne semblent pas concernés par le mot d’ordre de grève. On s’affaire plutôt pour la rentrée académique et les dernières pré inscriptions. A la faculté des Sciences juridiques et politiques, Michel N., un cadre administratif explique qu’en raison de l’importance de la rentrée solennelle, il leur est difficile de faire grève. A la faculté des Lettres et Sciences humaines, Marie Louise Bakangue, syndicaliste, interroge laconiquement le reporter de Mutations: «présence au travail signifie-t-elle participation au travail?».

Devant ce manque apparent de coordination syndicale, Jean Ngoh, le délégué du personnel pour le collège des agents décisionnaires tranche: «nous ne sommes pas en grève. Nous attendons que notre coordonateur syndical, M. Djengue, nous indique la marche à suivre. D’ici ce soir, nous serons fixés. Il participe en ce moment à des concertations à Yaoundé». A la cellule de communication, Constant Mimbou Ayong, le chef, assure qu’à sa connaissance, «tous les personnels d’appui sont en poste. Il n’y a pas de débrayage». Il nous invite d’ailleurs à le vérifier par nous-mêmes en faisant le tour des services. Dans les couloirs, un agent décisionnaire tente une analyse de la situation: «la vérité c’est que beaucoup d’entre nous ont peur. Mais demain (aujourd’hui), ça risque d’être moins calme si M. Djengue rentre bredouille de Yaoundé».



Débrayage : Baptême du feu pour l’université de Maroua : Le personnel administratif de la plus jeune des universités d’Etat observe également le mot d’ordre de grève.

Ce matin, il y avait foule à l’entrée de la grande clôture du rectorat de l’université de Maroua sis au lieu dit Marché Comice. N’eut été l’œil du reporter, on aurait confondu les grévistes aux visiteurs ou encore aux usagers du marché à bétail qui jouxte le rectorat. Les 265 employés de l’université de Maroua, repartis entre ceux de services centraux, ceux de l’Ecole normale supérieure et de l’Institut supérieur du Sahel sont solidaires de la démarche de leurs collègues d’autres universités d’Etat du Cameroun qui observent depuis le 11 octobre 2010 une grève illimitée.
C’est une première pour la jeune université de Maroua qui n’a que trois ans d’âge. Au milieu de la matinée, le maître des lieux fait son apparition, à la rencontre des grévistes. Le recteur est visiblement gêné devant ses employés qui font le sit-in depuis ce matin. Pr. Ako Oben Edward, avance quelques phrases. "Je suis vraiment gêné que vous vous regroupez comme ça devant l’entrée. J’aurai voulu que vous préfériez entre rester chez vous ou travailler. Je comprends néanmoins vos problèmes", laisse entendre le recteur avant de replier.

Des propos qui sont loin de ramollir les grévistes, qui restent attachés jusqu’à la lettre à leurs collègues des six autres universités d’Etat du Cameroun. D’ailleurs, dans la foulée, ils disent respecter à la règle les consignes du président du syndicat national des personnels d’appui des universités d’Etat du Cameroun (Synapauc). Ils ne sont pas non plus avares en déclarations aux médias. De l’avis de Monique Ibrahim, chef de file des grévistes de l’université de Maroua, "nous sommes parfaitement solidaires au mot d’ordre du syndicat national.
Mais nous sommes sereins parce que nous attendons l’aboutissement des tractations que le bureau national mène avec le ministère de l’Enseignement supérieur. Nous avons donc les yeux rivés sur Yaoundé d’où le mot d’ordre de grève sera levé pour reprendre le travail. Pour le moment, nous ne travaillons pas et nous nous regrouperons chaque jours pendant les heures de travail devant le rectorat".

Une situation bien embarrassante pour plusieurs employés qui font leur premiers pas dans la jeune université de Maroua. "Nous n’avons pas de problème de salaire, ni avec l’administration mais nous sommes bien obligés d’entrer en grève parce que si cela aboutit à des primes de revalorisation de nos salaires, cela va considérablement améliorer nos conditions de rémunération et de traitement. Pour l’instant, on suit comme des moutons", débite un chauffeur. Pour l’un des huit délégués du personnel ayant requis l’anonymat : "cette fois-ci, nous sommes massivement entrés dans la grève. C’est parce que le 29 juin dernier lors du premier mouvement, une décision a été prise par une large majorité du personnel d’appui, comme quoi, les pouvoirs publics nous avaient donné une période supplémentaire de trois mois pour faire aboutir le statut spécial des personnels d’appui des universités d’Etat du Cameroun. Et cette période expirait le 30 septembre dernier". Un cadre d’appui ajoute que "nous sommes encore une jeune université et nous n’avons pas pris part au mouvement d’il y a trois mois. Et lorsqu’on a vu que le premier dossier arrivé au cabinet du premier ministre depuis le 14 avril dernier est entrain de subir le même sort que le premier qui avait été déposé en octobre 2006, on ne peut que suivre le mouvement de grève". En attendant les nouvelles instructions de Yaoundé, la grève devrait se poursuivre ce matin.

 

Mécontentement : L’Université de Dschang dans la danse : En plus d’un statut spécial, le personnel administratif a exigé l’assainissement de son corps de métier.

C’est un campus de l’université de Dschang visiblement calme, en cette mi-journée du lundi, 11 octobre 2010. Des étudiants vont et viennent. Ils ne semblent pas comprendre que le personnel d’appui de leur institution est en grève depuis le matin. Pourtant, tout se passe au rectorat de la même institution académique. Surtout que ce rectorat est situé sur un site différent de celui du campus. Là, près de 300 personnels sur les 700 que compte cette université, se sont mobilisés.
Ils n’ont ni pancartes, ni banderoles, encore moins d’écriteaux pour manifester leur mécontentement. Ils sont tout de même assis à même le gazon. Un sit-in qui semble être pacifique, du fait de la souplesse avec laquelle les choses se passent. Les meneurs du débrayage tentent de rencontrer le recteur en vain. Il est sûrement déjà au courant de leur situation. D’autant plus que la grève consiste à : «Ne pas travailler, se regrouper au rectorat, faire des déclarations», stipule une pétition adressée à monsieur le ministre de l’Enseignement supérieur. Cette pétition a été signée le 6 octobre dernier, par Michel Bilong, président du Syndicat national des personnels d’appui de l’université de Dschang (Synapauc) basé à Yaoundé.

«Le syndicat demeure comme par le passé, ouvert à toutes des négociations tendant à alléger et améliorer les conditions de vie et de travail», poursuit la même note. Sur place, Philippe Tagne, responsable de la section technique et membre dudit syndicat, ne cache pas sa colère : «Tant que nos statuts particuliers ne sont pas signés, nous resteront en grève, jusqu’à ce que nous recevions des provocations de la part de la partie adverse», a-t-il ponctué. Rencontré, le recteur de l’université de Dschang, Anaclet Fomethe, s’active à prendre des mesures urgentes : «Lorsque nous avons été informés, nous avons aussitôt convoqué une assemblée générale, à l’effet de garantir que le travail sera fait et que le moral restera au beau fixe.», a indiqué Anaclet Fomethe.
En cette période de rentrée académique, quelques amphithéâtres sillonnés, ont reçu des enseignants. En témoigne des traces de craie portées sur des tableaux nouvellement peints. Plus loin, sur un babillard installé pour des messages syndicalistes, au demeurant, la fine pluie n’a pas déteint tout mouvement dans cette ville qui regorge près de 21.000 étudiants.

 


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