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LE BLOG DE CYEK

Cameroun - Jeune Afrique : Je t'aime, moi non plus !

11 Mars 2011, 14:37pm

Publié par Xavier Messe (Mutations)

jeuneAfrCameroun.jpgLes relations entre le groupe de presse de Béchir Ben Yahmed tiré par l'hebdomadaire ''Jeune Afrique'' et le Cameroun, ont traversé la moitié du siècle. Deux régimes camerounais les gèrent dans les turbulences parfois, mais avec bonheur aussi. Cependant, personne ne franchit jamais le Rubicon pour les rompre définitivement. Dans la décennie 1970, ''Jeune Afrique'' avait été saisi au Cameroun une dizaine de fois seulement, au regard de ce qui se passait dans d'autres pays tant du Maghreb que du reste de l'Afrique. Parce que le Cameroun, avec le Sénégal et la Côte d'Ivoire, représentaient à eux trois 60 % des ventes de ce magazine au sud du Sahara, Bby se devait de protéger ce lectorat qui lui garantissait une immense crédibilité auprès des gouvernants africains, et un gros marché publicitaire.

Afin de s'assurer que les «dérapages» rédactionnels seront souvent évités sur le Cameroun, l'idylle entre Yaoundé et JA recommandait d'introduire à la rédaction centrale des journalistes qui rassurent le pouvoir de Yaoundé. Aujourd'hui, très peu de choses ont changé dans ces amours. Du temps d'Ahmadou Ahidjo, le Guinéen Siradiou Diallo de regretté mémoire, alors directeur de la rédaction de JA, avec femme et enfants, passait ses vacances dans les palais d'Ahidjo de Garoua à Yaoundé. A son successeur, François Soudan, on déroule toujours le tapis rouge au palais d'Etoudi, et son appartement est réservé au Yaoundé Hilton hôtel. Pour les commodités, des instructions partent d'Etoudi vers les ministères et les entreprises d'Etat, pour des abonnements groupés ou des achats d'espaces dans l'une ou l'autre des publications du groupe JA C'est de là-bas que partent également des injonctions pour payer des suppléments spéciaux pour redorer l'image du Cameroun à l'extérieur.

D'où viennent alors des brouilles, mêmes quand elles sont passagères ? Dans ce mariage, l'un des partenaires est à l'origine des infidélités. Le journal est demeuré fidèle à sa nouvelle ligne éditoriale et à ses stratégies commerciales : ne pas dénoncer ses amis, mais rester vigilant à la direction que prendra le vent en cas des changements inévitables. Dans cet habile exercice, on aura alors la tête haute de dire : on l'avait prévu. JA ouvre de suite sa traditionnelle danse sur trapèze pour monter les enchères.
Dans sa version en ligne datée du 27 juillet 2010, c'est Georges Dougueli qui monte sur son clavier. Il habille sa critique d'euphémismes à l'endroit du Premier ministre camerounais qu'il accuse d'immobilisme. En passant, il égratigne Jules Doret Ndongo, le Sg/Pm, le qualifiant de pur «produit d'Atangana Mebara», ancien Sg de la présidence de la République, actuellement en détention préventive. «C'est une attaque inamicale et maladroite ; elle ne restera pas sans conséquence», promet un proche collaborateur de Jules Doret Ndongo à JA. Première riposte : le chèque de 650 millions de francs Cfa que le Pm devait remettre à JA est retourné dans le tiroir.

Février dernier. La paix n'est pas encore revenue dans le couple Cameroun/JA. Dans la livraison N° 2614, sous les plumes de François Soudan et d'Alain Faujas, la critique est poussée un peu plus : le Cameroun fait du surplace, il somnole encore, à neuf mois de l'élection présidentielle. «Une attaque de trop», estime le directeur du Cabinet civil du chef de l'Etat, Martin Belinga Eboutou. Pour le journal de Béchir Ben Yahmed, il ne s'agit pourtant que d'une tactique managériale et éditoriale que les patrons du journal affectionnent et qui finit toujours par payer.
On ne saurait reprocher à un gouvernement d'avoir dans ses relations de gestion de son image et pour son lobbying, un organe de presse influent, qui ne fasse pas forcément partie des médias nationaux, tant que le gain que cette relation rapporte est perceptible. Le drame du gouvernement camerounais est que, pendant qu'il distribue annuellement de vraies broutilles aux médias locaux, il finance à coups de milliards par an la presse internationale pour un résultat invisible. Ce complexe de subordination fait que, lorsqu'il y a brouille comme c'est le cas entre le Cameroun et J.A., les journalistes ont envie de dire à l'endroit des décideurs camerounais : bien fait pour vous !

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